L’état de nos sols est en déclin et les données actuelles sont inquiétantes. Alors qu’il faut au moins 100 ans pour produire un pouce de terre arable, l’agriculture conventionnelle, de loin la plus grande responsable de la dégradation des sols, endommage le sol jusqu’à 1 à 3 pieds de profondeur. Même les estimations les plus conservatrices indiquent que l’épuisement des sols des terres cultivées nord-américaines est au moins dix fois plus rapide que sa régénération. En poursuivant sur cette voie de l’agriculture intensive et dépendante des produits chimiques, nous courons à la perte de notre capacité à cultiver le nécessaire pour nous nourrir.
Le sol est important
Le sol est bien plus que de la simple terre. Lorsqu’on le perçoit comme un réseau d’interactions et non comme une matière quantifiable, un sol sain peut être magique. Une simple cuillère à thé de celui-ci peut supporter un million d’organismes, où des racines fongiques agissent comme voie de passage (et de communication) entre les plantes et où des nutriments se forment chimiquement pour devenir votre nourriture. Et il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg. Le sol est si complexe que les scientifiques ne comprennent qu’une infime fraction de son fonctionnement. En fait, bien des scientifiques qui étudient le sol apparentent leurs recherches à une quête de l’espace inversée (en anglais, certains appellent affectueusement le sol inner space, pour faire allusion au terme outer space), tant le mystère du monde sous nos pieds est comparable à la complexité de l’univers au-dessus de nos têtes.
Le sol est aussi fragile. Son apparence robuste pourrait nous faire croire qu’il ne subit pas l’impact du développement urbain, de l’exploitation des ressources naturelles et de l’agriculture conventionnelle, mais c’est loin d’être le cas. Alors que certains scientifiques catégorisent la dégradation des sols comme une menace pour la vie au même titre que les changements climatiques, il est difficile pour les non initiés à la science du sol parmi nous de percevoir les causes et les effets. Évidemment, nous pouvons généralement nous entendre sur le fait que les coupes à blanc et l’exploitation minière en surface endommagent le sol, mais nous n’avons pas tendance à mettre les activités comme la construction résidentielle et le labourage dans la même catégorie.
Quel est l’état de nos sols?
Dans le rapport de 2015 intitulé État des ressources en sols dans le monde, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a déterminé que l’érosion et les émissions de carbone sont deux des plus graves menaces pour les sols. Dans un autre rapport publié dans la revue Sustainability, on ajoute à cette liste la disparition des matières organiques, des minéraux et des nutriments des sols. Cette tendance déconcertante nous alerte non seulement des dangers qui guettent l’environnement, mais elle prédit aussi des terres agricoles moins productives ainsi que des prix plus élevés pour de la nourriture moins nutritive, qui, au cours du prochain siècle, se raréfiera.
L’agriculture est l’une des principales contributrices de la dégradation des sols. Bien qu’il s’agisse d’une pratique ancestrale, le labourage nuit au sol. Chaque fois que l’on retourne la terre, défaisant ainsi un réseau soigneusement mis en place par des milliards d’organismes, l’érosion s’accentue, la matière organique diminue, du dioxyde de carbone est libéré et on compromet la capacité du sol à emmagasiner l’eau et les nutriments pour nos cultures, bref, à faire le travail qui nous est essentiel. L’augmentation de l’étendue et de l’intensité de nos activités de labourage, comme nous l’avons fait au cours des 100 dernières années, entraîne de plus en plus de répercussions négatives. « Le labourage de la terre, selon le département de l’Agriculture des États-Unis, « est l’équivalent d’un tremblement de terre, d’un ouragan, d’une tornade et d’un feu de forêt qui se produiraient simultanément pour les organismes du sol. En termes simples, le labourage est mauvais pour le sol ».
Comme si ce n’était pas suffisant, l’agriculture conventionnelle nécessite l’application de pesticides et de fertilisants chimiques, alors que les premiers contribuent à éradiquer les organismes du sol et les deuxièmes laissent derrière eux un surcroît de nutriments qui deviennent des agents polluants pour les cours d’eau environnants. Les systèmes agricoles qui dépendent du labourage intensif et de l’application excessive de produits chimiques détruisent le sol qui les alimente.
Revigorer les sols en mangeant
La santé du sol est un aspect fondamental de l’agriculture biologique. Lorsque les agriculteurs biologiques choisissent de labourer la terre, ils équilibrent les effets négatifs et positifs. Nombreux sont les agriculteurs biologiques qui pratiquent le labourage peu profond, c’est à dire, qui ne retournent pas plus de 8 à 15 centimètres de terre, minimisant ainsi le dérangement. Ils étendent des fertilisants à base végétale, animale et minérale qui améliorent la texture et le contenu minéral du sol. Par-dessus tout, ils réapprovisionnent le sol en matière organique chaque année à l’aide de compost, de fumier ou de cultures-abri.
La culture-abri, soit, la culture de plantes vouées à être retournées à la terre par le labourage, est possiblement la plus importante des techniques de protection des sols pour l’agriculture biologique. Non seulement laisse-t-elle de la matière organique dans le sol pour alimenter les organismes qui s’y trouvent, y ajouter des nutriments et améliorer sa capacité de rétention d’eau, mais elle prévient aussi l’érosion. La culture-abri est surtout pratiquée en hiver, afin de protéger et de stabiliser les sols qui seraient autrement exposés aux effets dommageables du vent et de l’eau.
Bien qu’il y ait des avantages et inconvénients à tous les types d’agricultures, nous nous faisons à nous même un cadeau pour l’avenir en soutenant des pratiques agricoles qui accordent de l’importance à la santé du sol.